Photo : Gérard CAMBON
Chaque trimestre, dans Good Vibes, notre newsletter, Sociacom interroge un ou une spécialiste sur son domaine de prédilection. État du secteur, perspectives, conseils, nous donnons la parole aux pros.
Ce trimestre, nous vous parlons de VALEUR TRAVAIL. Parce que le monde de l’entreprise est en pleine quête de sens et que personne ne semble trouver le moyen de réconcilier les Français et le travail.
Pour en discuter, nous interrogeons Laurence Decréau, éditrice, autrice et créatrice du Festival des Vocations à Mirmande (Drôme).
Ses travaux portent notamment sur les représentations du travail. Elle a publié Vocation Réparer, Retrouver la joie du travail aux Presses des Mines.
Quelle définition donnez-vous de la « valeur travail » ?
On se plaît à répéter que le mot “travail” viendrait de tripalium, “instrument de torture”. La sociologue Marie-Anne Dujarier rappelle que cette étymologie est probablement fausse. Plus vraisemblablement, le travail viendrait de trans (idée de franchissement) et de val (idée de mouvement). En d’autres termes, un mouvement par-dessus un obstacle.
Selon la théorie économique standard, le travail est une désutilité, un temps de vie que l’on consent à sacrifier moyennant salaire pour jouir du loisir. C’est cette conception du travail qui semble prévaloir aujourd’hui. Elle n’a pourtant rien d’universel : selon plusieurs penseurs, le travail constitue au contraire une forme d’accomplissement, en permettant à l’individu de développer ses capacités au sein de la communauté. “Le travail, c’est la vie”, dit Marx.
J’adhère totalement à la seconde définition. On tend hélas aujourd’hui à confondre “travail” et “emploi”, d’où le rejet de l’un à cause de l’autre.
Pourquoi la valeur travail ne séduit-elle plus ?
La perte de sens du travail tient à son organisation dans l’entreprise. Le taylorisme avait déjà dépossédé les travailleurs manuels de leur métier au début du XXe siècle. Avec le néolibéralisme imposé par Reagan et Thatcher, les cadres en ont à leur tour fait les frais. Comment aimerait-on travailler quand on n’a plus la possibilité d’exercer bien son métier - faute de temps, de moyens, d’une autonomie suffisante, et de surcroît, sans être reconnu pour ce que l’on fait ?
Nés de la pandémie de Covid-19, Big Quit et Quiet Quit ne traduisent pas, selon moi, un rejet du travail, mais un rejet du travail privé de sens. La vague grandissante de reconversions, notamment à l’artisanat, en témoigne : ce n’est pas le travail en tant que tel qui est en cause, mais la manière dont oblige les gens à l’exercer.
Quelle est votre vision du « bonheur au travail », au cœur de l’actualité ces dernières années ?
Le bonheur au travail, ce n’est pas l’installation d’un baby-foot dans une salle de pause ! C’est dans l’exercice du métier lui-même qu’il doit résider : parce qu’il apporte quelque chose au monde ; parce qu’il vous permet de donner le meilleur de vous-même et de progresser ; parce qu’il vous vaut une reconnaissance, de la part de votre supérieur hiérarchique comme de la société. Si ces conditions ne sont pas réunies, on ne peut être que malheureux - et espérer prendre sa retraite au plus vite.
Le Festival des Vocations que vous organisez a eu pour thème en mai 2022 : “Vocation Réparer ». Comment réparer le lien entre le travail et les Français ?
D’abord, en reconnaissant et valorisant tous les métiers ! La France souffre d’une hyper-valorisation de la voie générale et des métiers auxquels elle mène, via les grandes écoles et l’Université. A moins d’être bardé de diplômes, vous n’êtes pas reconnu socialement. Les notes à l’école en maths et en français décident à elles seules de la vie d’un individu : mauvaises, elles lui valent une orientation vers la voie pro, considérée comme voie de relégation. Passables, moyennes ou bonnes, elles le propulsent automatiquement vers les études longues - avec à la clé, bien souvent, l’échec ou l’ennui. D’emblée, les dés sont pipés : on ne choisit pas son métier ! Rien de tel en Suisse et en Allemagne.
Pour réparer le lien entre les Français et le travail, il faudrait sortir l’école de cette glorification de l‘abstraction, ouvrir l’enseignement à d’autres compétences, développer la formation continue.
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Comment donner du sens aux missions de vos collaborateurs ? Parlons-en !
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