Chaque trimestre, dans Good Vibes, notre newsletter, Sociacom interroge un ou une spécialiste sur son domaine de prédilection. État du secteur, perspectives, conseils, nous donnons la parole aux pros.
Ce trimestre, nous vous parlons de TRANSITION ÉCOLOGIQUE. La transformation numérique impacte l’environnement. Positivement, en fournissant des outils utiles ou des alternatives à faible impact. Mais aussi négativement, notamment en puisant dans les ressources premières.
Pour en discuter, nous interrogeons Arnaud Gueguen, consultant stratégie bas carbone, membre du comité d’expert du numérique au Shift Project, administrateur de Boavizta.
1/ Quel est l’impact écologique d’une transformation numérique pour une entreprise ?
Il y a deux niveaux de lecture concernant cet impact. L’impact direct, d’abord.
La construction de l’infrastructure nécessaire (datacenters, réseaux, terminaux ) est un désastre environnemental car gourmand en métaux. Pour donner un ordre d’idée, pour 1 kg de Gallium [métal utilisé pour la fabrication de divers matériaux semi-conducteurs], il faut extraire 50 tonnes de minerais, 100 millions de litres d’eau et rejeter 1kg de déchets radioactifs. Ce processus nécessite une énergie considérable (à base de pétrole essentiellement) à laquelle il faut rajouter l'électricité nécessaire lors de l’exploitation : au total cela représente déjà 4% des émissions mondiales, avec une croissance estimée de +6% par an. Sur la chaîne de valeur d' une entreprise du tertiaire, ces impacts directs peuvent représenter plus de la moitié de son empreinte environnementale.
Le second niveau de lecture est celui des effets indirects d’une numérisation : quels effets sur la production ? Dans notre économie extractive, si le numérique permet de produire plus, plus vite, il accélère aussi la destruction de l’environnement. Le cas le plus flagrant est l’IA au service de la découverte de nouvelles nappes de pétrole dont on sait qu’il faudrait les laisser dans le sol pour respecter l’Accord de Paris sur le climat. Et malheureusement, il y a extrêmement peu de cas d’usages prouvés où le numérique permet de réduire l’impact environnemental d’un bien ou d’un service en tenant compte de tous les effets induits.
2/ La croissance numérique actuelle est-elle vraiment soutenable vue l’urgence climatique ?
Non, la croissance du numérique n’est pas soutenable. Le secteur du numérique est le seul - avec l’aviation peut être - à connaître une croissance exponentielle non maîtrisée. Rien qu’en France, l’ADEME prévoit une multiplication par 3 des émissions de gaz à effet de serre causées par le numérique d’ici 2050. Pour RTE, les datacenters vont devenir un enjeu majeur pour notre réseau électrique. Les grands opérateurs (GAFAM) l’ont bien compris et s’accaparent en avance les ressources énergétiques nécessaires (réservation de puissance, construction de leurs propres centrales électriques), ce qui crée déjà des tensions et des moratoires - en Irlande ou aux Pays-Bas par exemple. Il est urgent de poser la question de quel numérique nous voulons demain, un numérique consciemment choisi et non pas subi. C’est une des définitions de la sobriété numérique.
3/ Quels conseils donneriez-vous à un dirigeant qui veut entamer une transformation numérique respectueuse de l’environnement ?
Une transformation numérique a peu de chance d’être respectueuse de l’environnement. On peut au mieux limiter ses effets. Pour cela il faudrait déjà se poser en amont la question de la nécessité de la numérisation, de son encadrement et la réaliser au minimum des besoins métier exprimés, ne pas s’aventurer sur le développement de capacités supplémentaires « en prévision de ».
Il faut aussi intégrer les enjeux environnementaux dans sa gouvernance et pour cela mesurer l’impact de l'existant, évaluer l’impact de projets à venir, et chercher à les réduire constamment. Dans beaucoup d’entreprises, le numérique est « as a service », ce qui signifie que l’impact est délocalisé : il est donc impératif de travailler avec ses fournisseurs, les choisir en fonction de leur politique environnementale - fuir le greenwashing du « neutre en carbone » - de leur localisation, de leur capacité à fournir une empreinte carbone de leur service et faire attention aux effets rebonds. Par exemple, chez un cloud provider, l’allocation de ressources supplémentaires est tellement simple que la facture environnementale (et monétaire ) peut vite grimper.
Et il ne faut pas oublier évidemment chez soi de gérer ses terminaux avec la plus grande parcimonie : n'acheter que sur des besoins avérés et indispensables, ne pas suréquiper (les fameux double voire triple écrans), préférer les marques robustes et repérables, faire durer le plus longtemps possible - protéger, réparer, réallouer en interne, et à la fin reconditionner (ou recycler si plus d’autres options possibles).
C’est une démarche qui s'inscrit dans le temps, qui doit être priorisée par un fort sponsorship, et englober toutes les fonctions - achats, infra, études, métier - et qui in fine devra s’inscrire dans la culture d’entreprise.
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Comment traiter la question environnementale dans une démarche de transformation numérique ? Parlons-en !
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