Les nouveaux pères devront s’absenter au moins 7 jours. Le 22 septembre, le gouvernement a annoncé le doublement de la durée du congé paternité. Il passe de 14 à 28 jours, dont 7 doivent être obligatoirement pris.
Cette décision suit partiellement le rapport de la Commission d’experts réunie sur le sujet des «1.000 premiers jours de l’enfant». Elle recommandait au gouvernement un allongement du congé paternité à 9 semaines. Cette modification serait, d’après le texte, la «première étape d’une réforme ambitieuse du congé parental, dans l’intérêt du développement de l’enfant, mais également pour lutter contre la solitude et l’isolement des mamans.»
Si l’essentiel du débat est sociétal, cette décision va impacter le fonctionnement des entreprises. En bien ou en mal ? Contrainte inévitable ou avantage de long terme ? Cadeau aux salariés ou fiasco financier ?
Sociacom fait le point avec trois arguments pour et trois arguments contre.
OUI
1er argument : Pour être en adéquation avec les valeurs des salariés
Les salariés sont à la recherche d’une adéquation entre leurs valeurs et celles de l’entreprise qui les emploie. D’après un sondage mené par Sociacom en 2020, le «manque d’alignement de l’entreprise avec [mes] valeurs» est même le troisième motif de souffrance au travail, derrière le stress et le manque de reconnaissance. Or, les Français sont majoritairement favorables à l’allongement du congé paternité. Ils étaient 61% des parents à le souhaiter en 2018 d’après une étude YouGov pour le Huffington Post. Chez les jeunes, la proportion est encore plus forte puisque 63% des 18-24 ans se prononcent, d’après un baromètre de la DREES (Direction de la Recherche, des Études de l'Évaluation et des Statistiques), pour un allongement du congé des pères.
2e argument : Pour être une entreprise innovante
Si l’Etat français semble sur le point d’augmenter le temps accordé au père à la naissance d’un enfant, certaines entreprises ont devancé les décisions gouvernementales. La plupart financent même entièrement ce congé paternité allongé. Quelques exemples :
Parmi elles, beaucoup sont connues et reconnues pour mettre au centre de leur stratégie le bien-être du salarié. Et expérimentent des modèles organisationnels innovants, largement repris par de plus petites structures. Pourquoi n’être qu’un suiveur ?
3e argument : Pour améliorer la performance des salariés
Subventionner du temps de repos pour le salarié, quel intérêt ? De nombreuses entreprises qui offrent déjà plusieurs semaines aux jeunes pères, assurent de la rentabilité du dispositif.
Pour Emmanuelle Lièvremont-Janicot, directrice santé et qualité de vie au travail chez L’Oréal, une entreprise qui s’investit pour l’équilibre de vie de ses salariés, constate «logiquement, qu’ils sont plus engagés, plus fidèles et plus performants». «Les employés ont de meilleures performances au travail lorsqu’ils n’ont pas à s’inquiéter de ce qui se passe à la maison», appuyait la Chief Talent Officer de Netflix dans un billet de blog. Comme le souligne un article d'Usbek & Rica, «libérer les salariés de leur travail à l’arrivée d’un enfant permettrait de leur éviter un “burn out parental” et de les revoir plus rapidement au top de leur forme. [...] Une étude publiée par la Harvard Business Review en 2016 démontrait que les employés épanouis dans leur vie personnelle jouissent d’une productivité supérieure de 31 %, obtiennent un chiffre d’affaires 37 % plus élevé et sont trois fois plus créatifs que les autres.» Mieux, investir maintenant dans un congé paternité peut servir l’avenir de l’entreprise. «Il est nécessaire d’être à l’écoute et de savoir s’adapter si on veut recruter et fidéliser de jeunes talents, avance Hervé Ekue managing partner du cabinet londonien Allen & Overy, car ils ont ou auront peut-être envie d’avoir des enfants».
NON
1e argument : C’est intenable pour les petites entreprises
Les exemples donnés plus haut sur les entreprises ayant déjà mis en place un congé paternité long le prouvent : il ne s’agit que de grosses structures. Multinationales, géants de la Silicon Valley, Gafa, voire entreprises aux reins solides. Mais quid des petites et moyennes entreprises ? Les sociétés de moins de 250 employés représentent 99,9% du tissu économique français. Parmi elles, on trouve 3 millions de TPE et 140.000 PME. En résumé, la plupart des structures qui auront à composer avec ce congé paternité allongé sont des entreprises de moins de 10 salariés. En 2011 déjà, lorsque Laurence Parisot, alors présidente du Medef, avait par exemple proposé de rendre obligatoire le congé paternité, la Confédération générale des petites entreprises (CGPME) s’était interposée, estimant les conséquences trop lourdes quand les employés se comptent sur les doigts de la main.
2e argument : Comment gérer l’absence ?
Dans sa version actuelle, le congé paternité est constitué de 14 jours : 3 jours de congé de naissance + 11 jours. Environ 67% des pères y ont recours. Le reste choisit de continuer à travailler. A partir de juillet 2021, chaque nouveau père devra dans tous les cas s’absenter 7 jours. Il pourra en tout prendre 28 jours de congé paternité. A ce mois pourront s’ajouter des jours de congés payés, pratique déjà largement répandue chez les nouveaux pères. Les entreprises devront donc gérer une partie de congés prévisibles et inévitables et une partie à la discrétion du père, le tout pouvant s’étendre jusqu’à deux mois environ. Naîtront alors des questions d’organisations chronophages et pouvant faire perdre en efficacité à l’entreprise. Comment combler l’absence d’un salarié ? Recruter ? Avec l’obligation de former une nouvelle personne, en consacrant du temps à la recherche de la bonne recrue et sans l’assurance que le profil matche parfaitement. Et bien sûr, avec le coût que cela entraîne. Confier ses tâches à d’autres employés ? Au risque de susciter la désapprobation, de les surcharger de travail.
3e argument : C’est un coup dur en pleine crise
Comme l’a souligné Michel Chassang, de l’Union des entreprises de proximité (U2P) dans La Croix, rien n’est à redire sur le fond de cette mesure, dont le bien-fondé ne relève pas du monde du travail. Cependant, l’annonce a de quoi jouer avec les nerfs des patrons. «En grande majorité, les PME et TPE sont composées de deux ou trois salariés, et parfois il n’y a qu’un seul salarié, remarque Michel Chassang. Donc concrètement, si ce dernier est concerné par un congé paternité, il n’y aura plus de salarié pendant cette période ! Pour réaliser un chantier par exemple, c’est problématique ! Encore une fois, c’est une avancée sociale solidaire mais je m’interroge sur sa faisabilité. Les entreprises sont focalisées sur l’équilibre de leurs comptes et la reprise économique. Ce n’est pas une mesure qui va les rassurer.» Dans un contexte déjà lourd en angoisse et en questions, le manque de concertations pèse aussi sur les esprits. Alors que beaucoup d’entreprises se demandent si elles vont passer l’année, comment envisager cette mesure sereinement ? «On voit bien que c'est un sujet sociétal important, mais ce n'est pas du tout le bon moment», dit de son côté Stéphanie Pauzat, de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), dans Le Parisien. La priorité, c'est déjà de remettre les gens au travail, et là ça envoie un signal inverse.»
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Et vous, salarié ou dirigeant, homme ou femme, parent ou pas, comment vivez-vous cet allongement du congé paternité ? Quelles retombées ce changement peut-il avoir sur votre entreprise ? On attend votre témoignage et votre avis par ici. Vous souhaitez plus d’infos sur la démarche Happiness Performance de Sociacom ? C’est par là.
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